Bowling & Boum [Max]

Ce soir là, le Strike’s Bowling était ouvert et battait son plein, comment souvent. Il n’y avait plus aucune piste de libre et tout le monde riait et s’amusait dans un brouhaha agréable. Michelle Lee était accoudée contre le comptoir, à taper la discute à une cliente du jour, qui était aussi une habitante avec qui elle avait rapidement sympathisé, peu de jours après sa venue ici. Elle était arrivée à Jericho deux ans plus tôt, à quelques semaines près, pour suivre son petit ami de l’époque, qui l’était encore aujourd’hui d’ailleurs. Il avait pour projet de revendre son bar de Denver, pour restaurer un vieux club de bowling à Jericho, dans sa ville natale. Au début vraiment pas motivée pour aller s’enterrer dans une petite ville qu’elle ne connaissait que de nom –et encore : parce qu’il lui en parlait !-, elle avait fini par céder. Rha l’amour alors !
Elle l’avait suivit et était une nouvelle fois repartie à zéro dans une ville inconnue, comme elle l’avait fait maintes et maintes fois depuis sa naissance. Franchement, Jericho était une ville chaleureuse, solidaire et accueillante, elle n’eut aucun mal à le faire. Maintenant, elle se plaisait bien, ici. Surtout parce qu’elle était avec son compagnon, bien entendu. C’était le plus important.

Cette soirée s’annonçait être ordinaire, comme toutes les autres de la semaine. Les vingt deux heures venaient de passer, quelques minutes plus tôt. Elle entamait une nouvelle conversation avec son interlocutrice ; toutes les deux se lancèrent dans les potins, rhou les vilaines. Michy Lee aimait bien les écouter, parfois, quand ils étaient innocents, drôles et puérils, pas quand il s’agissait de rumeurs désagréables ou de secrets dévoilés, ni même de moqueries. Par contre, elle ne les lançait jamais la première, si, à Denver avec Clarice, bon, ok, mais pas ici. Elle ne se le permettrait pas, étant donné qu’elle n’était pas une jéricho…cienne ? Enfin bref. Elles en vinrent aux derniers scoops matrimoniaux des propriétaires de la pizzeria, mais elles n’eurent pas le temps de développer là-dessus. Pourquoi ? Car d’un coup, sans crier gare, les lumières se coupèrent toutes, tout comme les machines et la musique. Le bowling tout entier fut plongé dans un noir absolu. Certains râlèrent, puis tous se turent.

« Max ?! Tu vas voir le compteur ? »
Demanda-t-elle, en parlant d’une voix haute et intelligible. Elle ne savait même pas où il était, la pièce était vaste… Tiens, ça fit tout d’un coup tilt dans son cerveau : il y avait une lampe torche sous le comptoir. Baladant ses mains au hasard, tâtonnant les dessous du bar, elle cherchait la fameuse torche. Bing, bang, boum… oups, elle avait renversé quelque chose. Ah, voilà. Clic, elle l’alluma, et la pointa, sans le faire exprès, en plein dans la tête de sa copine la commère. Elles rirent légèrement, comme deux gamines, mais furent à nouveau interrompus. Ça, par contre, c’était inquiétant, bien plus que la coupure de courant. Le boum qui retentit fut bien pire que celui qu’elle venait de provoquer quelques instants plus tôt. Les quelques conversations qui avait reprit s’arrêtèrent sur le champ. Ça venait de dehors. Les verres tremblèrent, peut-être même les murs aussi ?

Plusieurs avaient sorti leurs téléphones portables, pour faire de la lumière. Michelle Lee à leur tête avec la plus grande source de lumière, ils se dirigèrent vers l’extérieur et sortirent prudemment, inquiets, voir ce qu’il se passait. Là… là, elle ne sut quoi dire. Beaucoup s’exclamèrent, certains crièrent, mais elle non, elle ne dit rien. Ces yeux paraissaient plus grands que jamais, fixant sans ciller ce champignon de feu et de fumée, ou d’elle ne savait quoi d’autre. Max ? Max ? Où était Max ?

Effectivement, les personnes les plus callées en matière de potins étaient les filles. C’était bien connu, et Michelle Lee l’admettait sans peine. Elles étaient fortes, pour les commérages, certaines plus que d’autres, mais en tout cas, plus douées dans cet art que les mecs. Eux, c’était les commentaires de foot ou de rugby, chacun son trip. Bon, il s’en sortait avec son compteur ? Vraisemblablement pas, d’où sa recherche de la lampe torche. Il était assez doué comme gars, si ça ne marchait pas, c’était que ça dépassait ses moyens. Elle s’en rendit compte bien assez tôt, dès qu’elle mit le nez dehors et leva les yeux au ciel. A vrai dire, il n’y avait pas besoin de regarder si haut, vu que toute la ville était plongée dans une luminosité orangée inquiétante.

Tout le monde réagissait différemment, c’était assez étrange. Chacun avait une manière différente d’exposer sa surprise, son incrédulité, sa peur… c’était un mélange de ces trois sentiments là, et de surement une bonne dizaine d’autres, qu’éprouvait la jeune brune. Plus encore quand elle se retrouva seule, immobile, muette et stupéfaite, au milieu de tant de gens qui se serraient les uns contre les autres. Il lui manquait sa moitié. Sans lui elle n’était rien, encore moins dans un moment pareil. Elle le cherchait, en même temps qu’il la cherchait. Ils ne pensaient à présent qu’à ça. Les questions sur le pourquoi du comment de la bombe –et en l’occurrence des bombes-, ils auraient le temps de se les poser après. Elle se contentait de tourner la tête pour le chercher, ne pensant même pas à bouger, et ne parlant toujours pas. Tous s’exclamaient, se lamentaient… ne-pouvaient-ils pas se taire ? Ils étaient assourdissants.

Là alors, quelqu’un la serra contre lui. Il ne lui fallut pas longtemps pour savoir qui agissait ainsi. Cette personne là semblait l’avoir cherché, et la serrait avec soulagement. Et puis, cette personne là avait cette odeur si particulière, celle qu’elle aimait tant. C’était son homme, elle le reconnaitrait parmi milles. Là, ils étaient une trentaine, un peu plus, un peu moins… Rho, qu’importe ! Le nombre d’entrées qu’ils avaient effectués ce soir lui passait au dessus de la tête. Elle avait autre chose en tête, tout d’abord Max, puis ensuite, elle avait envie de savoir ce qu’il se passait.

« Moi aussi… moi aussi je te cherchais… »
Dit-elle, tout en se réfugiant volontiers contre lui, contre son torse si rassurant.
Il l’embrassa délicatement, plus par plaisir de l’avoir retrouvé, et par satisfaction de savoir qu’eux deux allaient bien, pour le moment du moins, que par réel désir d’embrassades. Puis il caressa son visage, tout doucement, ce qui la calma considérablement.

« Je… tu crois que c’est quoi ? Qu’il se passe quoi ? … ça m’plait pas du tout… »
Ça ne plaisait à personne, bien entendu. Ce qu’elle voulait dire par là, c’était que ça l’inquiétait, lui faisait peur, lui faisait penser que l’avenir serait très différent de ce que le présent était alors.
D’autres personnes s’étaient jointes à la foule ; tous les gens présents dans les rues où les maisons alentours se rassemblaient là, et établissaient ensemble leurs théories. Un homme qu’elle avait déjà vu de nombreuses fois en ville, parlait de Denver. Il exposait sa théorie, comme quoi la bombe avait explosée là-bas. Michy Lee sentit son cœur se compresser dans sa poitrine, et serra un peu plus Max contre elle. Elle avait ses mains sur ses hanches, comme si elle le tenait, de peur qu’il ne parte à nouveau. A Denver, il y avait ses plus anciens amis, son premier appart, c’était aussi le lieu de rencontre entre eux deux… c’était une ville qui comptait pour elle. Pire encore, ça signifiait que la bombe avait explosée dans une zone d’habitation, tuant surement de nombreuses personnes. Ça, ça faisait peur.